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#10ansdeGénérosité - 10 lauréats du Prix de Recherche Caritas - 2010 - Nicolas Duvoux

#10ansdeGénérosité - 10 lauréats du Prix de Recherche Caritas - 2010 - Nicolas Duvoux

Créée sous l’égide de l’Institut de France, la Fondation de Recherche Caritas finance des recherches sur la précarité, la charité et la solidarité. Elle décerne, à l’occasion de son colloque annuel sur la pauvreté, le Prix de Recherche Caritas, doté de 10 000 euros, à un jeune chercheur en sciences sociales, pour épauler une recherche, une publication ou un projet de recherche innovant.

A l’occasion de ses 10 ans, la Fondation Caritas France vous propose de revenir sur le parcours des 10 lauréats du Prix Caritas.

 

 

Nicolas Duvoux, déconstruire l’idée que les pauvres sont responsables de leur situation

Nicolas Duvoux est le premier récipiendaire du Prix de Recherche Caritas, lequel lui a été remis pour sa thèse L’injonction à l’autonomie : l’expérience vécue des politiques d’insertion, consacrée aux allocataires du RMI. Aujourd’hui professeur de sociologie à l’Université Paris VIII et chercheur au Cresppa-LabToP, il revient pour nous sur son travail d’alors et sur les portes que lui ont ouvert le prix.

FCF – Comment vous est venue l’idée/l’envie, de conduire une recherche sur ce sujet ? En quoi cela a-t’il impacté votre étude ?
ND – J’ai commencé mon travail au milieu des années 2000, en partie parce que je sentais un changement de regard général sur la pauvreté. Je voulais démonter l’idée d’assistanat car elle me semblait une représentation faussée qui fragilisait des dispositifs destinés aux plus fragiles. Il faut se rappeler que l’on était alors dans une phase de révision du RMI: décentralisation, demande de contreparties en travail à celui-ci, etc. Surtout, c’est la mise en place de contrats d’insertion entre l’Etat et l’allocataire qui me semblait intéressante. Ces contrats portaient sur des formations à réaliser, des démarches à entreprendre mais aussi sur la gestion du budget, le logement etc. Ils pouvaient signifier un désengagement de la société d’une situation qu’elle avait contribué à créer et un renversement de la responsabilité sur l’allocataire. Je voulais voir comment les personnes réagissaient à des dispositifs qui présentaient chômage et pauvreté comme le fait d’une responsabilité personnelle et constituaient une véritable injonction à l’autonomie. Je voulais également voir comment les signataires s’appropriaient ces dispositifs.

FCF – Quelles sont les points les plus saillants de votre thèse ?
ND – En premier lieu, j’ai été frappé par l’hétérogénéité des publics rencontrés et des réactions au dispositif. Certains allocataires appréciaient cette reconnaissance du fait qu’ils ne sont pas des assistés mais des personnes avec lesquelles on peut prendre des engagements, d’autres le ressentait plutôt comme un soutien personnel. Enfin, un troisième groupe avait le sentiment d’être dépossédé de toute autonomie car le contrat encadrait très strictement des aspects de leur vie quotidienne. On est là en pleine contradiction. Cette individualisation du suivi et des situations crée de la concurrence entre les personnes: entre allocataires, entre les allocataires et ceux qui ne le sont pas etc. Cette concurrence débouche sur un sentiment d’injustice à tous les niveaux. Chez les ”RMIstes”, chez les personnes qui ne bénéficient pas d’aides mais sont au juste au-dessus des limites de revenus…

FCF – Qu’est-ce que le Prix Caritas a changé pour vous, à l’époque et aujourd’hui ?
ND – Il arrive après la publication de ma thèse et ma prise de poste donc son impact sur ma vie professionnelle immédiate a été limité. En revanche, il a conforté le sentiment que le travail que j’avais réalisé pouvait résonner au-delà du monde académique. Avec ce prix, je me suis mis en position de parler à d’autres auditoires et d’être audible par eux. Quelques années plus tard j’ai publié un ouvrage au Seuil “Le Nouvel âge de la solidarité” qui s’adressait à un public plus large que les revues scientifiques. Le prix a clairement été un encouragement dans cette voie. D’un point de vue professionnel de long terme, j’ai tissé une véritable relation de confiance avec Pierre Levené et Jean-Marie Destrée (délégué et délégué adjoint de la Fondation Caritas France ndlr) : nous nous sommes retrouvés quand j’avais abordé un nouveau champ de recherché qui les concernait de près : la philanthropie. C’est grâce à ce lien de confiance que j’ai réalisé plusieurs études sur le sujet et notamment sur les créateurs de fondations abritées chez la Fondation Caritas.

Le 16 novembre 2010, le premier Prix de Recherche Caritas est remis à Nicolas Duvoux.

FCF – Pourquoi est-il important pour une fondation comme la Fondation Caritas France de s’intéresser à la recherche ?
ND – C’est un prix important, en termes de montant mais aussi parce qu’il est porté par une organisation qui est quotidiennement aux prises avec la question de la pauvreté. Cette légitimité associative et la légitimité scientifique de l’Institut de France font du Prix Caritas France un objet rare. A plus forte raison que le sujet de la pauvreté est très peu traité et porté institutionnellement, tout ce qui le faire émerger est bienvenu. Par ailleurs, une organisation qui a pour objectif d’être efficace se priverait d’une ressource si elle ne se nourrissait pas de recherche, à plus forte raison si cette dernière identifie des leviers d’action.