Laure Crepin
FCF – Comment vous est venue l’idée / l’envie, de conduire une recherche sur ce sujet? En quoi cela a-t-il impacté votre étude ?
En fait, mon intérêt pour les inégalités de genre est né d’un sujet de l’agrégation de sciences économiques et sociales qui portait spécifiquement sur cette question. Assez rapidement, je me suis intéressée à ces inégalités dans le cadre du logement. En effet, on se rend compte que, si les inégalités de revenus entre hommes et femmes ont tendance à se réduire ces dernières années, ce n’est pas le cas des inégalités de patrimoine. Malgré le fait que leurs rémunérations progressent vis-à-vis de la population masculine, les femmes possèdent bien moins de capital que leurs homologues masculins.
Parce que la question du patrimoine est étroitement liée à la question du logement, cet angle me semblait intéressant. La séparation, constituant un bouleversement résidentiel, permettait d’étudier ces inégalités. Il existait alors peu de travaux sur les séparations conjugales. Pourtant, le sujet est d’ampleur : il y a 400 000 séparations par an dont la moitié implique des enfants.
FCF – Quelles sont les points les plus saillants de votre thèse ?
Tout d’abord, il faut dire que les dé-cohabitations sont un facteur majeur d’appauvrissement pour les femmes. Dans la plupart des cas, ce sont les hommes qui gardent le logement familial car c’est souvent la personne qui a le moins de ressources qui est amenée à la quitter. Ensuite, on s’aperçoit que la séparation provoque une augmentation du taux d’effort de 8 points : avant la séparation, 20% du budget des ménages était consacré aux dépenses de logement, c’est 28% après la séparation. Donc le départ du logement appauvrit mais l’effort à produire pour en retrouver un est encore plus important.
En second lieu, la recherche d’un nouveau logement est contrainte par plusieurs facteurs :
- Des contraintes spatiales tout d’abord car, il y a toujours des éléments qui vont retenir la personne sur un territoire. Les enfants, le travail, la famille autre que nucléaire… Autant d’éléments qui contraignent à trouver un logement dans une zone donnée.
- Des contraintes temporelles également puisque en général il faut trouver “quelque chose” rapidement.
En troisième lieu, il faut également noter qu’au-delà des inégalités de genre, les inégalités de classes liées à la décohabitation jouent à plein : les plus pauvres avant la séparation sont les plus pauvres après celle-ci. Enfin, il existe des effets systémiques qui amplifient ces phénomènes et notamment la politique du logement à la française. En étant fondée sur l’accès à la propriété en couple, elle accentue les inégalités à la séparation.
FCF – Qu’est-ce que le Prix Caritas a changé pour vous ?
C’est la reconnaissance de pairs et de personnes dont je connais et lis les travaux et c’est extrêmement valorisant. C’est aussi un prix remis par des acteurs de la lutte contre la pauvreté donc cela fait beaucoup de sens pour moi.
Au-delà de cette reconnaissance, il reste beaucoup à faire dans ce champ de recherche : questionner les vulnérabilités résidentielles, investiguer les évolutions de situation dans le temps.. Autant de sujets qui sont aujourd’hui des angles morts de la recherche..