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#10ansdeGénérosité - 10 lauréats du Prix de Recherche Caritas - 2015 - Philippe Rosini

#10ansdeGénérosité - 10 lauréats du Prix de Recherche Caritas - 2015 - Philippe Rosini

Créée sous l’égide de l’Institut de France, la Fondation de Recherche Caritas finance des recherches sur la précarité, la charité et la solidarité. Elle décerne, à l’occasion de son colloque annuel sur la pauvreté, le Prix de Recherche Caritas, doté de 10 000 euros, à un jeune chercheur en sciences sociales, pour épauler une recherche, une publication ou un projet de recherche innovant.

A l’occasion de ses 10 ans, la Fondation Caritas France vous propose de revenir sur le parcours des 10 lauréats du Prix Caritas.

Philippe Rosini, un thésard chez les intérimaires

Philippe Rosini est le 6ème lauréat du prix de recherche Caritas pour sa thèse de doctorat en anthropologie “Temporaires en Permanence” sur les conditions de vie et de travail des intérimaires. Aujourd’hui Assistant temporaire de recherche et d’enseignement à l’université de Nice, il revient pour la Fondation Caritas sur son parcours, son prix et ses projets.

 

FCF – Comment vous est venue l’idée/l’envie, de conduire une recherche sur ce sujet ? En quoi cela a-t’il impacté votre étude ?

PR – Pendant des années j’ai été moi-même intérimaire dans des usines de fabrication de parfum ou d’aluminium. La région compte de nombreuses entreprises dans le domaine chimique et dans le cadre de ces boulots, j’ai été amené à côtoyer d’autres travailleurs temporaires. J’ai fait la “vaisselle” (le nettoyage des cuves de préparation) et une foule d’autres tâches. Ces boulots sont non-qualifiés, tout au bas de l’échelle et il y a une vraie barrière entre intérimaires et permanents.

Puisque j’étais au coeur de la question, je me suis appuyé sur des méthodes de terrain propres à l’ethnologie. C’était un véritable défi: par exemple il m’était impossible de prendre des notes pendant les heures de travail. Il faut aussi garder assez de distance sur le sujet que l’on traite pour ne pas intégrer les logiques que l’on veut dévoiler. Mais c’était une approche différente qui a donné des résultats intéressants

 

FCF – Quelles sont les “découvertes” les plus marquantes que vous ayez faites ?

PR – C’est difficile de résumer une thèse de 600 pages en quelques mots mais le plus saillant est certainement le fait que les intérimaires sont soumis à une triple insécurité :

Technique en premier lieu, car l’intérim ne permet pas l’acquisition d’un savoir faire cohérent pour la simple et bonne raison que l’on en demande pas. Les connaissances des intérimaires ne sont pas valorisées et ils rencontrent de nombreuses difficultés pour en développer de nouvelles. C’est ce qui m’a ammené à parler de « savoir-faire avec ».

Relationnelle dans un second temps car l’intérimaire n’est pas membre à part entière des équipes ou de l’entreprise. Il peut partir du jour au lendemain et est souvent suspecté de vouloir abandonner son poste (ce que je n’ai vu que très rarement), la situation humaine est alors très inconfortable.

Temporelle en dernier lieu et pour plusieurs raisons. Quand l’on a pas de mission on est dans l’attente d’un coup de fil de l’agence, et quand on en a une, elle peut s’arrêter très rapidement. Enfin, la forme de l’emploi intérimaire fait que l’on est dans l’incapacité de faire des projets à long terme.

 

FCF – Qu’est-ce que le Prix Caritas a changé pour vous, à l’époque et aujourd’hui ?

PR – J’étais à l’usine quand j’ai appris que j’étais lauréat (rire), très franchement je n’y croyais pas. C’est le seul prix pour lequel j’ai postulé et cela m’a donné beaucoup de confiance. Confiance en l’avenir d’une part, car les doctorants en sciences sociales ont souvent beaucoup de mal à trouver un poste après leur thèse. Dans mon cas, le prix Caritas a été un élément clé de mon embauche à Nice. Enfin, l’aspect financier a aussi été important pour continuer à travailler et pour faire face à des évènements difficiles dans ma famille proche.

Confiance en la qualité de mon travail d’autre part car c’est toujours extrêmement valorisant d’être reconnu par ses pairs. J’avais déjà lu des travaux de tous les lauréats donc être parmi eux… Aujourd’hui je travaille sur le phénomène des “Indiens Noirs” de la Nouvelle Orléans, c’est un phénomène mal connu mais passionnant.

 

FCF – Pourquoi est-il important pour une fondation comme la Fondation Caritas France de s’intéresser à la recherche ?

On ne peut que se réjouir d’un tel intérêt. Je pense que la clé tient au temps : il en faut pour démonter les préjugés et le recul que suppose la recherche permet de travailler en profondeur ces questions. Le temps de l’entreprise, de l’intérim et de l’actualité sont courts, c’est pourquoi il est intéressant d’avoir l’éclairage de travaux de fonds sur ces questions.

 

Retrouvez le portrait de notre lauréate 2014 !